Le 11 juin 1940, l'ordre étant donné d'évacuer Verdun, la communauté du Carmel part sur les routes de l'exode, avec pour objectif Moulins, accompagnée de son aumônier le père François, curé de Saint Victor. Finalement après de nombreux rebondissements épiques, dont nous conservons un récit impressionnant, elles arrivent à Lyon où grâce au Cardinal Gerlier, elles trouveront refuge au Carmel de Fourvière. Les carmélites de ce lieux étaient elles-mêmes parties en exile à ce moment là. Par la suite, les deux communautés vont se trouver à cohabiter ensemble dans ce même Carmel, pendant plusieurs mois.
Dès le 7 août 1940, Mère Germaine intrépide revient dans son Carmel, accompagnée du P François et de deux sœurs, sans aucun papier régulier, à travers la zone occupée et la zone interdite.
Durant leur absence, le Carmel avait eu le temps d'être pillé. Mère Germaine et les deux sœurs présentes, se mettent tout de suite au travail pour le remettre en ordre. Par ailleurs, elles se montrèrent très bonnes pour les prisonniers de la caserne Niel de Thierville quand ils pouvaient avoir des permissions de sortie.
Les casernes Niel et de Jardin-Fontaine avaient été transformées en Frontstalag n° 240, d’août 1940 à mars 1941. Dans des dortoirs surpeuplés, infestés de vermines, les prisonniers, sous-alimentés, attendront vainement une libération espérée, jusqu’à leur départ en train, mais dans des wagons à bestiaux, vers une destination inconnue outre-Rhin.
A ses risques et périls, Mère Germaine a aussi aidés un certain nombre de prisonniers à s'évader, sur leurs demandes, avant qu’ils ne soient envoyés en Allemagne. Notamment en leur fournissant des habits civils qu'ils venaient revêtir au Carmel, en toute discrétion. Ceux-ci lui en furent très reconnaissants.
Ce n’est que le 22 novembre 1940 que les 17 religieuses, qui restaient à Lyon, sont autorisées par le Cardinal Gerlier à tenter l’aventure de reprendre la route pour rejoindre Verdun.
Mère Germaine pouvait être fière de ses sœurs. Elle n’oubliera pas sa promesse d’effectuer un pèlerinage à Notre-Dame des clés, juste au-dessus du Carmel, dont la statue est vénérée en l’église Saint Victor, et devant laquelle, le 15 juin 1940, l’abbé François avait déposé la clé de l’entrée du Carmel.
Le 10 juin 1940, l'ordre d'évacuation générale de Verdun est donné. Monsieur le curé de Saint-Victor, le père François, vient en avertir notre Mère à 10 h du soir, pendant Matines et le départ de la communauté se décide pour le lendemain. « Laissez les sœurs achever Matines, dit notre Mère, après quoi on se préparera. » Ainsi fut fait.
Le lendemain à 11 h, un camion venait prendre la communauté et la conduisait à la gare.
Notre Mère, sur le trottoir, présidait à l'embarquement. Elle devait rester la dernière avec la sœur dépositaire, pour mettre en ordre et fermer la maison.
Quand le camion s'ébranla, chacune, dans un sourire qui veut être courageux, lui dit « au revoir » de la voix et de la main. Elle est très calme, mais toute blanche de fatigue et l'émotion l’étreint.
Une voisine s'approche d'elle et se présente, heureuse de faire sa connaissance et, lui parlant des sœurs avec attendrissement : « elles avaient le sourire » dit-elle.
Deux jours après, le 13 juin à 4 h sonnant, dernière limite fixée pour l'évacuation, notre Mère ferme la porte du couvent, monte dans l'auto de Monsieur le Curé et va remettre les clés du monastère entre les mains de Notre-Dame des clés de Saint-Victor.
La rue est complètement déserte, seules des patrouilles militaires vont et viennent. Le moment est émotionnant, le cœur se sert : ce petit couvent qui lui a coûté tant de peine, le reverra-t-elle ?... Restera-t-il debout ?... Son grand acte d'abandon au bon plaisir de Dieu et puis... En avant !